JB et Bébert, héros de l’Embrunman

BySylvain Pigeau

« de 59 »

Jean-Benoit Irus et Bertrand Renesson Philipon ont bouclé le 15 août le mythique Embrunman. Une première pour « JB », Grenouille qui vient de s’expatrier dans l’Hexagone et nous raconte son histoire. Et une troisième participation pour « Bébert » notre Grenouille de coeur.

Presque 3 semaines après l’Embrunman, il est temps de faire un petit retour sur la course :

Tout d’abord l’objectif initial : terminer un premier Ironman et si possible le taper en 12h30…assez ambitieux sur Embrun mais bon « qui ose gagne ».

Ensuite les conditions de préparation: une seule compétition en 2017 le 70.3 Puerto Rico en mars, une déchirure au mollet fin avril m’interdisant la course pendant 5 semaines, un gros mois de juin et un déménagement en métropole mi-juillet… Bref une préparation correcte mais pas parfaite qui me permet tout de même d’arriver en forme pour la compétition.

Nous arrivons le 04 août sur Embrun, en coloc avec notamment Bertrand qui fera son 3e Embrunman à mes côtés, sa famille et Christel. Au top pour les conseils et l’ambiance de course ! Une petite dizaine de jours pour faire du jus et reconnaître le parcours, l’idéal. Ma rencontre avec les routes de la région et le col de l’Izoard n’est que pur bonheur, c’est le paradis pour cycliste, il me tarde le 15 août d’en découdre.

Nous y sommes, avec Bebert dans une nuit noire, de la vaseline plein le cou, les lunettes de natation sur les yeux, une température extérieure de 10 degrés et une journée annoncée comme chaude et ventée. L’ambiance est indescriptible, 1100 triathlètes morts de faim qui attendent ce moment depuis de longs mois de préparation. J’entends  ma famille qui crie sur le côté, improbable malgré la luminosité ils nous ont repéré ; nous sommes à bloc et pourtant pas plus stressés que ça, comme dans un rêve éveillé. Tu avais raison @sylvainpigeau j’en profite…

06h00 place à la bagarre ! Grâce à l’expérience de Bebert nous sommes parfaitement placés dans le premier quart sur la droite, à la corde. Impossible de poser une nage correcte avant 900m de natation, alors je gère avec une seule consigne : « reste en aérobie et n’utilise pas tes jambes ».  A 950m ma Garmin vibre, un lap automatique au quart de la distance (950m), je suis en 1’37 au 100m et pas entamé du tout, le plan était environ 1’45 donc top, j’allège un peu et je trouve enfin un nageur qui nage droit et à mon allure, je me cale dans ses pieds, il me tirera jusqu’au 3000m. Au final 3800m en 1h03, mieux que le plan. S’en suit une transition assurée en moins de 5min, le temps de bien se couvrir, ça caille….

Go sur le bike, ca commence direct par 10km de montée à 6% de moyenne. A froid après la natation j’avais prévu un départ très prudent, heureusement car les cuisses sont raides et le coup de pédale ne me plaît pas. Tranquille, je vais en profiter pour l’alimenter, je pioche dans mon maillot vélo mis au T1 pour m’apercevoir que toute ma poche droite est vide, 2 gels et 2 barres en moins (tombés à l’habillage). Pas grave on va gérer et s’arrêter à un ravitaillement… C’est à ce moment que mon dérailleur arrière Sram Etap reste bloqué sur le 28, il se bloque de temps en temps depuis une dizaine de jours, rien n’y fait et mon bouclard n’avait pas de stock pour m’en envoyer un en crash… En général ça remarche quelques minutes après donc je mouline façon Froome et je patiente… mieux vaut être bloqué sur le 28 que sur le 17 en pleine bosse!  Bingo 5min après c’est reparti, je croise des doigts pour la suite, heureusement il n’y aura plus de panne majeure. C’est quand même moyen pour un matériel neuf à ce prix, d’autant qu’il équipe grand nombre de triathlètes pro…

Une fois la bosse passée nous basculons dans la vallée direction l’Izoard, environ 35km à peu près plat mais avec un bon 15kmh de vent pleine face. Je reste prudent à l’économie et un peu énervé de me faire doubler par quelques pelotons de « drafter »…calmez vous les gars il n’y a pas de slot ici… j’en récupèrerais beaucoup après Brunissard!

Hameau de Brunissard passé, tout à gauche pour les 7 derniers km de ce col mythique avec des pentes entre 8 et 10%. Les peintures de l’étape du Tour jonchent le sol « allez BARDET! GO FROOME… » La foule s’est déplacée en masse, le ciel d’un bleu turquoise magnifique, c’est énorme!  Il faut se motiver pour gérer son effort, on reviendra pour un chrono perso! Je reprends malgré tout environ 80 triathlètes en montant « cool » à 215W.

Une fois au col nous avons accès à notre sac de ravitaillement perso, à moi la viande de grison et les pains au lait nappés de fromage…c’est bon pour le moral! Un point sur le chrono : déjà 04 h 15 de vélo, je ne peux plus être sur l’objectif fixé, il me fallait passer en 4 heures au sommet ! Je me fixe un nouvel objectif en 12 h 45.

On attaque la descente plein fer. Pas de prise de risques inconsidérés mais bon j’étais motard avant d’être cycliste alors Gaz ! Et 10 mecs de plus de repris avec une pointe à 79 km/h. Mais attention les cuisses commencent à chauffer un peu trop à mon goût… Les premiers doutes s’installent, n’aurais je pas dû gérer encore plus?

Briançon passée, bascule au Sud nous repartons vers Embrun, il reste encore 70 km vent de face, il fait 32 degrés et les murs de Pallon et Chalvet à grimper…puis un marathon. PK141 : Pallon me paraît bien long même si les watts sont encore là, ca passe à 260W et le coup de pédale me plaît…ça ne va malheureusement pas durer ! PK160 dans la vallée de la Durance direction Chalvet, le vent forcit et les cuisses commencent à fissurer. Passé le pont neuf on remet tout à gauche et c’est parti pour le dernier mur de 7km, il devient vite un enfer. Le cardio reste ok mais les jambes sont presque HS et je reste focus sur le marathon à venir, j’arrête de regarder le capteur de puissance, c’est trop tard maintenant il faut limiter la casse. Une dernière descente périlleuse et je suis enfin au T2.

Le fan club est derrière le grillage « allez papa, allez chéri… » ca fait du bien au cœur…mais malheureusement pas au jambes. Je passe les bas de contention, enfile les sketchers, puis avec un pas du ras en souplesse, entre 2 crampes, je pars pour la CAP. A Puerto Rico, c’est les quadriceps qui avaient piqués ici c’est les ischios, je cours les 2 premiers km à 10kmh, puis 8 km/h dans les 80 m de dénivelés mortels qui nous amènent en ville. Je réussis à trouver un petit rythme à 10/11 km/h, mais les crampes d’estomac me scient en 2, elles prennent le pas sur les douleurs musculaires…Je croise les doigts pour que ça ne reste que des douleurs, j’adore Yohan Diniz mais bon je ne veux pas l’imiter sur ce coup. A chaque ravitaillement je remplis ma gourde avec le seul truc qui passe encore …de la Saint-Yorre avec du sucre ou du coca, puis je m’efforce de prendre un gel toutes les 50 min. Première boucle de 14 km passée en 10,6kmh, deuxième en 10,2 km/h…je calcule rapidement que si je tiens 9,9 km/h dans la dernière je serais sous le 13h, ce serait top. Malheureusement au 32ème les crampes reviennent en force, le ventre va mieux mais au final je préférais les spasmes aux crampes ! Impossible de tenir 10kmh, ma foulée ne ressemble plus à rien mais au moins je ne marche pas je cours ! Ce qui me rassure c’est que c’est le cas de 90% des gens autour de moi…on dirait des marcheurs blancs dans Game of Thrones, ca craint !

A ce moment, je me dis « bon tu coches la case et stop les Ironman de tarés ».

Les 5 derniers km me paraissent interminables, plus de plaisir, plus de chasse au chrono, juste envie de la médaille et de retrouver le fan club. Mais soudainement tout bascule à 1km de l’arrivée, l’ambiance est énorme, tout le monde crie mon prénom (rajouté au feutre sur le dossard défaillant ;)). L’émotion m’envahit, que du bonheur : 13 h 12’12 », je suis finisher à la 172ème place. Bebert sera aussi finisher en 14 h 23’ 23’’ pour ce qui est, d’après lui, le plus dur de ses 3 Embrunman…

Quelques enseignements de cette épreuve :

  • Un vélo chrono à Embrun ne sert à rien, j’ai bien fait de prendre mon vélo de route
  • Ne pas prendre de gel avant le km 100 au moins sous peine d’écoeurement trop anticipé
  • Faire toujours plus de vélo en prépa (oui c’est possible ;)), c’est clairement la clé pour passer un marathon correct
  • Pour la CAP faire plus de transitions assez longues (10km) après des sorties vélo au rythme course
  • Je n’ai quasiment pas nagé le dernier mois et je sors ma meilleure nat…so what ?
  • Des mecs de plus de 55 ans m’ont déposés, l’expérience est capitale et il reste de la marge pour progresser
  • J’ai adoré, j’en referai d’autres pour sûr.

Remerciements spéciaux :

  • Ma Doudou et les filles pour tout ce que je vous fais subir 😉
  • Bertrand et Nadia, sans vous je ne serai pas triathlète ni Embrunman;
  • Sylvain pour tes conseils avisés…au passage chapeau pour ton chrono de 2015
  • Les grenouilles bleues, vous êtes au top.