Porto Rico 2019 : duel au soleil

BySylvain Pigeau

Grenouille Pierre-Yves Teycheney a décroché, dimanche 17 mars à San Juan, sa qualification pour les championnats du monde 70.3 à Nice, qui auront lieu en septembre. « PYT » l’emporte dans sa catégorie (50-54) et a bouclé l’épreuve en 4 h 55 » (74e du général).

La digestion de ma fin de saison 2018 ratée a été longue et difficile. Pour surmonter la déception, la fatigue et la saturation, un seul remède : une bonne cure de désintoxication en forme de coupure (presque) totale. Reprise en douceur en fin d’année, quelques sorties vélo et deux semaines de ski de fond pour relancer péniblement la machine. Pour se motiver, quoi de mieux qu’un objectif de début de saison ? Ce sera Porto Rico, avec en point de mire une qualif pour les mondiaux de 70.3 début septembre à Nice.

Des hauts, des bas, des bobos, des tracas

La prépa de cette course aura été pour le moins chaotique. Au bout de 6 sorties seulement, le groupe SRAM eTAP de mon magnifique vélo de contre la montre flambant neuf décide de faire sécession. Diagnostic : flop dans la blip box. S’ensuit une série d’échanges standard de blip boxes (le machin électronique qui pilote par bluetooth les dérailleurs avant et arrière) tout aussi défectueuses, pendant que tournent imperturbablement les feuilles du calendrier et que la date de l’épreuve approche dangereusement. Impossible de me faire dépanner localement, malgré les efforts de Vélo Passion.

La prépa à vélo se fait donc sur mon fidèle vélo de route. En désespoir de cause et en mode panique, je contacte Ironman quelques jours avant la course, qui me met en relation avec Bike Stop, le meilleur magasin vélo de San Juan. Je commande une blip box neuve chez Sram le mercredi pour une livraison le jeudi à Porto Rico, jour de mon arrivée sur place. Je file chez Bike Stop à ma descente de l’avion et y dépose mon vélo. Le soir même, un mail m’annonce que le changement de Blip box a résolu le problème. Merci à l’équipe de Bike Stop, super pro et super sympa.

S’ajoutent quelques pépins physiques qui perturbent la fin de ma prépa. Conséquence : j’arrive à Porto Rico sans véritable repère et dans un total manque de confiance. L’avant-veille de la course, sur une séance à pied pourtant très cool, ma contracture au mollet gauche se réveille brutalement. Panique à bord, consultation express d’un kiné de St Barth qui accompagne sa femme sur l’épreuve (merci Nico !) et à distance du réparateur de ma carcasse un peu usée (merci Fred !). Je suis à la lettre leurs recommandations, et la veille de l’épreuve se passera donc dans ma chambre, alternant glaçage, étirements, Compex (merci Luc !) et repos.

Au départ !

Dimanche, 4h du matin. Rituel immuable : avaler un gros gâteau énergétique, se doucher puis filer à la zone de transition pour gonfler les pneus du vélo et mettre en place ses affaires. Dans la nuit tiède, chacun se prépare dans une ambiance festive, pendant que le speaker fait monter la température. Je scotche 3 fléchettes sur le cadre du vélo, j’installe mes bidons congelés, trois barres énergétiques dans ma lunch box, je prépare mes affaires de course à pied (dossard, chaussures, chaussettes, manchons de compression, un demi litre de boisson isotonique et 8 fléchettes) et je rentre me mettre au frais à l’hôtel, que j’ai choisi pour sa localisation entre la zone de transition et le départ de la natation.

J’essaie de faire le vide, de m’abstraire de tout et d’entrer dans cette zone blanche et égoïste dans laquelle plus rien ne compte que la course. C’est entouré de ce halo mystérieux et protecteur que je marche sur le pont pour gagner le départ de la natation. Je salue les copains, je m’échauffe à sec, je m’épluche et je rejoins les 74 autres concurrents de ma catégorie, affublés comme moi d’un bonnet vert. Je retrouve le gang des saint martinois et Valéry, que je n’ai pas revu depuis l’Afrique du Sud, toujours souriant et toujours redoutable. La première vague part à 6h55 (Go Jean Marc, go !) puis c’est notre tour. On s’aligne entre les deux bouées et on attend le top départ en se maintenant sur place comme des poloïstes. Ca fait tut et c’est parti !

Faire un clin d’œil au destin pour qu’enfin il sourie

C’est même parti pas trop mal. Je ne suis pas au niveau pour coller au premier groupe, mais je suis dans le second. Je me sens plutôt bien et le parcours est comme toujours très agréable : le lagon est protégé du vent et des courants sur sa majeure partie. Gros avantage de partir dans la deuxième vague, il y a peu de concurrents sur le parcours, même si on rattrape pas mal de ceux de la vague précédente, partis 5 minutes avant nous. Les bouées défilent, je prends le sillage d’un concurrent de mon groupe, je le passe au virage et on file vers le pont à partir duquel il y a un peu de courant contraire. Toujours de bonnes sensations et l’impression de faire un bon parcours sans jamais se mettre dans le rouge. On arrive au bout, les bénévoles nous aident à sortir de l’eau par ce foutu escalier en bois et c’est parti pour la plus longue transition du circuit (800 mètres !) pour rejoindre le parc à vélo. Je sens la contracture au mollet dès les premières foulées, j’enregistre l’information et je la stocke en mémoire, en prévision de la course à pied.

Mais pour l’heure, il va falloir pédaler. J’enfile mon casque de Daft Punk, je sors de la zone de transition, vélo à la main, et c’est parti. Un peu mollement sur le premier kilomètre puis très vite en position aéro. Là encore, bonnes sensations. Mon nouveau Shaka et ses Zipp 404 sont épatants. Le groupe eTAP répond au quart de tour (oubliés les problèmes de blip box !) et le début du parcours est mené tambour battant. Je rattrape pas mal de concurrents de la vague précédente (des jeunot de 45-49 ans, dont Jean-Marc) mais pas tellement de la mienne. Le parcours vélo est globalement plat, exception faite des rampes d’accès à quelques ponts d’autoroute. L’ennemi, c’est le vent et aujourd’hui il est très modéré. Tant mieux ! Je connais bien le parcours (c’est ma troisième participation à cette épreuve) et j’y ai donc des repères. Je sais par exemple qu’il y a du vent de face sur le long faux plat montant qui mène au demi-tour, donc je ne m’affole pas. Je me fais reprendre par quelques concurrents de la vague suivante (des gamins de 40-44 ans !). Pour une fois, je m’oblige à boire et à manger, je descends méthodiquement mes bidons, mes barres, mes fléchettes. Au début de la deuxième boucle, on entre dans le flot des vagues suivantes de concurrents et le trafic se densifie. Il faut bien rester sur la gauche pour doubler, mais dans l’ensemble ça se passe bien. Nouveau demi-tour et on entame le retour vers San Juan. Bien dans le rythme, pas trop de baisse de régime sur la partie exposée au vent. On se rapproche de la ville et on reprend des ponts d’autoroute, l’occasion de gratter encore quelques concurrents. Sur les derniers kilomètres, le vélo file, notamment à l’endroit précis où, il y a 3 ans, je m’étais fait déposer, incrédule, par une mémé qui moulinait à 200 tours / minute. Rien de tout ça aujourd’hui, le vélo avance tout seul et j’arrive à la zone de transition. Le vrai match va commencer.

Je prends volontairement mon temps pour enfiler chaussettes et manchons, répartir mes fléchettes (d’un côté 4 fléchettes énergétiques, de l’autre 4 fléchettes anti oxydantes) tout en descendant mon bidon de boisson isotonique. Objectif : partir bien hydraté. Je connais le parcours à pied, il est dur et il y fait chaud. Dès le début je sens la contracture et je sais qu’il va falloir trouver le bon équilibre entre vitesse et gestion de la douleur. Départ prudent en 4’52 sur le premier kilomètre, puis accélération progressive sur les suivants. Ca va bien, je bois sur tous les ravitos (1 gobelet de Gatorade dégueu, 1 gobelet d’eau fraîche et un gobelet d’eau sur la tête pour se rafraîchie les idées). Je double Valery en début de parcours, et comme il tient bien ses comptes, il me dit « maintenant tu es deuxième ! ». Info super utile pour bien gérer la suite : d’après mes calculs il y aura 3 slots pour Nice dans ma caté et il faut donc être sur le podium pour en décrocher un.

Pour l’instant, je gère prudemment, au train, aussi régulier que possible. J’avale la bosse redoutée qui amène dans la vieille ville, je déroule sur le faux plat qui suit et je descends dans la rôtissoire (les remparts en bord de mer, pas de vent, pas de ravito : c’est la rue de la soif). Demi-tour et retour vers la zone de transition. Un peu moins de la moitié du parcours avalée en 44 minutes, jusque-là ça va pas mal mais je sais que la deuxième boucle est toujours plus difficile. Elle le sera, mais je continue en mode gestion, en buvant comme un trou à chaque ravito. Ma moyenne plonge mais compte tenu de la natation et du vélo qui ont précédé, je pense pouvoir descendre sous les 5h et je sais que je suis en mesure de décrocher la qualif. Ce que ne sais pas en revanche, c’est que j’ai doublé le concurrent qui était en tête de ma caté, et que le point de mire, maintenant, c’est moi. A la réflexion, c’est d’ailleurs très bien de ne pas le savoir et de faire sa course, sans se soucier de rien d’autre que de ses sensations. Reste que ma moyenne faiblit mais que l’arrivée se rapproche. Je marche un peu dans les bosses vraiment raides pour ménager mon mollet, je baisse de régime lorsque les premiers symptômes de crampe apparaissent, et ça passe. Arrive enfin ce foutu dernier kilomètre, je donne un petit coup histoire de faire un chrono et en effet, je passe la ligne en 4:55:31. C’est mon deuxième sub 5 et mon meilleur temps à ce jour sur 70.3.

Objectif Nice

La ligne passée, je bois, je mange deux bananes et je m’assois. Un concurrent sûrement très physionomiste me dit que j’ai raflé la mise et terminé premier de ma caté (et la sienne). Excellente surprise. Il est deuxième et me dit qu’il m’a battu en Afrique du Sud (comme à peu près 142 autres concurrents de ma caté…). Il est allemand, venu de Teutonie pour décrocher une qualif, et donc enchanté. Valery est assis, un peu sonné mais content d’en avoir terminé (4e). Les copains arrivent, mangent, boivent, se racontent leur course.

Je récupère mon vélo, mes affaires et je rentre à l’hôtel me mettre au frais, me doucher, glacer mon mollet, bouquiner. Pas trop entamé et pour une fois satisfait. J’ai sorti la meilleure course que je pouvais au vu des conditions, mais je sais que j’ai encore de la marge. Tant mieux, c’est ça qui fait avancer.

Remise des récompenses expédiée (5 h d’effort pour 1 minute de podium, c’est ça aussi la magie Ironman…), on passe au roll down pour les qualifs aux mondiaux. Très peu de désistements, on sent que tout le monde a envie d’aller à Nice. Arrive le cadeau Bonux : 25 slots supplémentaires pour les filles ! Syndrome #metoo ou réelle volonté de promouvoir le sport féminin, allez savoir. Toujours est-il qu’il est distribué plus de 40 slots à 250 participantes, donc c’était vraiment l’année pour venir à Porto Rico, les filles !

Voilà, pendant qu’on se dit au revoir, le Barnum Ironman plie son chapiteau et va s’évaporer sans laisser de traces, seulement des souvenirs. C’est l’heure du générique de fin et des remerciements : merci à Sylvain qui me pousse, à Fred qui me répare, à Marc et Euridyce qui me refroidissent, à Jean-Paul qui me remet d’aplomb, aux copains qui m’encouragent de près ou de loin et à vous qui me lisez.

 

Les résultats des Grenouilles :

Pierre-Yves Teycheney 74e (1er en 50-54 en 4h 55′).

Jean-Marc Vautier 255e (34e en 45-49 en 5 h 37’).

Régis Fourcade 457e (61e en 40-44 en 6 h 13’).

Saïd Rachidi 684e (31e en 55-59 en 7 h).

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